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dimanche 29 septembre 2024

[Chronique] Coeurs Sucrés - Aurore Kopec

  

 Vieux Livres et Gourmandises tome 3: Cœurs Sucrés - Aurore Kopec






Titre: Vieux Livres et Gourmandises 3: Coeurs Sucrés
Autrice: Aurore Kopec
Éditions Textes gais
Genre: romance LGBTQIA+, handicap, personnage racisé (sikh), pompier, tranche de vie
3 tomes + un recueil de nouvelles



SERVICE PRESSE


Résumé:

Anatéo voit tous ses amis se caser. Nathaël et Charlie ont trouvé leur grand amour. Lui qui s’estimait heureux entouré de ses proches et de ses livres, découvre qu’il aimerait lui aussi goûter à ce bonheur à deux. Mais il est convaincu que son fauteuil roulant et les petits tracas liés à son corps défaillant sont un handicap à une vie amoureuse épanouie.
Pompier, gay et de confession sikhe, Ravindra peine à s’intégrer. Il se sent seul loin de sa famille et de sa communauté. Jusqu’à sa rencontre avec ce jeune homme en fauteuil roulant que le destin ne cesse de mettre sur son chemin. Mais comment le retrouver dans une si grande ville ? Et surtout, cet homme aura-t-il envie de le revoir ?

Chronique d'Aurélie

Tout d’abord, un grand merci à Aurore pour ce beau service-presse.

Je tiens également à m’excuser pour le temps que j’ai mis, plus à écrire ma chronique qu’à lire le livre. La période a été agitée de mon côté <3

J’avais hâte de plonger dans ce roman, pour plusieurs raisons : d’abord, vous le savez si vous avez lu mes avis précédents (sinon, vous le découvrez ici !), Cœurs Sucrés s’inscrit dans la série des Vieux Livres et Gourmandises, mais chaque tome en est indépendant, centré sur un nouveau couple. Ainsi, nous avons suivi Nathaël et Chris dans Tatouages et Macarons, puis Charlie, Will et Raphaël dans Le garçon vanille- chocolat. Ce tome 3 est consacré à Anatéo et un petit nouveau, Ravindra.

Pour lire cet opus, vous n’avez pas besoin d’avoir lu les précédents. Comme je le disais, ils sont tous indépendants, ce qui permet d’entrer dans l’histoire comme bon vous semble, par le livre qui vous tente le plus. Les livres se suivent cependant chronologiquement parlant, vous retrouverez donc au fil des tomes des informations sur les personnages précédents.

C’est aussi une des choses que j’apprécie dans cette série : chaque tome nous focalise sur un nouveau duo, mais nous y retrouvons les personnages que nous avons appréciés dans les tomes d’avant et nous les voyons évoluer eux aussi. Ils restent très présents, à l’exception de Raphaël que nous voyons très peu (mais qui aura son histoire dans le recueil de nouvelles qui fait suite à ces trois tomes, de ce que j’en sais !).

Toute la série aborde des thèmes profonds, variés et importants. Dans Cœurs Sucrés, c’est de handicap que nous allons parler… entre autres. Car Aurore ne traite jamais « juste » un thème dans ses livres. Elle aime nous proposer des histoires réelles, or on le sait, la vraie vie ne se limite pas à une problématique par « chapitre » vécu. Ici, les thèmes croisés sont nombreux. On y aborde bien sûr très vite fait les thèmes précédents (notamment transidentité et intersexuation avec Will et Charlie). Anatéo, jeune bibliothécaire en fauteuil roulant, était déjà présent dans les tomes précédents lui aussi, mais cette fois-ci c’est son tour d’entrer en piste et de sortir du « club des célibataires » qui ne contient plus que lui comme unique membre.

J’ai adoré la manière dont Aurore traite du handicap. C’est un thème fort, pas facile à aborder quand on n’est pas concerné·e. La recherche d’informations est bien présente, le sujet traité avec justesse, et le tout sans « drama ». J’ai remarqué que ce n’est pas rare que dès qu’on parle de handicaps comme la paraplégie, on tombe vite dans l’excès de tragique. Mais les personnes en fauteuil, si elles doivent relever des défis dont on n’a pas toujours idée, ne sont pas enfermées dans le négatif et vivent leur handicap au quotidien comme leur propre « normalité ». J’ai aimé voir en Anatéo un personnage positif qui a des difficultés à cause de notre société qui ne s’adapte pas aux différents handicaps, mais qui vit vraiment sa vie sans passer son temps à se plaindre ou à souffrir de ces problématiques. J’ai trouvé que tout était abordé avec douceur et pertinence, beaucoup de respect, et une véritable justesse jusque dans la manière dont le quotidien d’Anatéo est abordé. J’ai aussi apprécié que tout ne tourne pas autour de son handicap. Oui, il surmonte des défis que les personnes valides ne vivent et ne comprennent parfois pas. Il y a des moments plus difficiles, des accidents compliqués, des gestes « différents » qu’on aborde avec pudeur mais sans honte, car il n’y a pas de raison d’en avoir honte (même si Anatéo en a parfois honte, ce qu’on comprend aussi vu la société dans laquelle on vit). Mais il est aussi et surtout plus que cela, un être humain avec un travail, des émotions, des loisirs, et ami·es… Il y a une réelle volonté dans les mots d’Aurore de montrer à quel point Anatéo est finalement une personne comme une autre malgré les écueils de « plus » qu’il a à surmonter, le tout avec énormément de naturel.

Ravindra, de son côté, a lui-même affaire à de nombreux défis. Racisé, sikh, il doit composer entre ses origines, sa religion, et sa vie en-dehors d’une communauté qui l’accepte et le comprend. Ravindra fait des compromis pour s’intégrer tout en restant intègre avec ses convictions et sa culture. Il fait face à de nombreuses critiques, presque du harcèlement de la part de certains de ses collègues qui ne le comprennent pas et le jugent ne serait-ce que sur sa couleur de peau, mais aussi sur ses différences, mais aussi parfois de la part de sa famille qui estime qu’il s’éloigne un peu trop de leur culture. En plus, Ravindra est gay, mais suite à de mauvaises expériences dans son ancien boulot, il n’ose pas faire de coming-out à son nouveau travail. Les questions autour du coming-out et de sa nécessité sont intéressantes et bien conduites, les problématiques autour du personnage de Ravindra captivantes. Encore une fois, Aurore a été creuser en profondeur pour nous offrir un personnage réaliste. J’ai appris beaucoup de choses autour de la religion et de la culture sikhs, et j’ai apprécié le voyage, même en restant en France. J’ai aimé les doutes et les craintes de Ravindra, qui est très heureux avec lui-même mais galère à trouver sa place dans la société, parfois ayant peur à raison, parfois simplement parce qu’il n’ose pas faire confiance (avec son vécu, on le comprend, ceci dit).

J’ai également beaucoup aimé le fait que Ravindra est pompier. Là aussi, Aurore a fait un super travail de fond sur ce métier qui me touche particulièrement, mon père ayant été sapeur-pompier professionnel toute son existence. Les termes, l’ambiance en caserne, les interventions sont très réalistes et montrent une image des pompiers qui est loin du glamour que l’on trouve habituellement en romance, ce qui est très chouette. Petit bémol de ce côté-là malgré tout, j’ai trouvé un certain « négativisme » dans cette vision des pompiers, avec beaucoup d’évènements lourds et à mon goût pas assez d’interventions plus « légères » (évidemment, qui dit intervention de pompiers dit rarement « légèreté », je vous l’accorde, mais tout est très relatif). Aurore appuie un peu beaucoup sur les horreurs du métier, le fait que c’est usant psychiquement, et Ravindra considère souvent qu’être pompier est si prenant niveau temps que c’est presque totalement incompatible avec une vie de couple ou de famille, ce qui n’est pas mon expérience en tant que fille de pompier. J’ai trouvé cela parfois un peu dommage car cela peut donner une vision négative de ce métier certes prenant et pas toujours facile, mais aussi fabuleux et profondément utile. Ceci dit, c’est aussi ma vision personnelle et après discussion avec Aurore, je comprends également son besoin de montrer aussi cet aspect moins « reluisant » d’un métier qu’on traite peut-être justement trop souvent avec légèreté. Le sujet reste très bien traité, et ce petit bémol est, je pense, très personnel ! Il n’a de plus rien gâché à la magie de cette histoire positive, douce, et d’une romance des plus adorables.

La romance, justement, prend son temps avec une douceur et une mignonnerie à toute épreuve. Entre Anatéo et Ravindra, c’est du petit bonbon. Cette histoire est un condensé de tolérance et de bienveillance qui fait un bien fou ! J’ai tout simplement adoré la relation d’Anatéo et Ravindra, je les ai trouvés parfaits ensemble, y compris dans leurs doutes, dans leurs questionnements, dans leurs moments difficiles…

J’ai apprécié aussi de découvrir les proches de nos deux amoureux transis D’un côté, la famille de Ravindra, traditionnelle et différente à la fois, puisqu’il s’agit d’une famille tout ce qu’il y a de plus « normale »… pour une famille sikhs. Quand nous les retrouvons aux côtés de Ravindra, nous sommes dans un autre univers, et c’étaient de supers immersions. De l’autre côté, la famille d’Anatéo est composée de deux papas, ce que j’ai adoré également. Sont d’ailleurs posées des questions importantes concernant le regard que porte la société sur deux hommes élevant un fils ensemble, un fils qui s’avère… lui aussi attiré par les hommes. Même si j’ai été surprise de la réaction d’un des deux papas à cette annonce, que j’ai trouvée trop forte et totalement injuste, ça n’en est pas moins une situation que l’on peut comprendre, dans un contexte où tous les regards sont portés sur ce genre de famille et où l’on attend forcément de l’enfant qu’il devienne hétéro, sans quoi il aurait forcément été « perverti » par ses deux parents du même genre… Bref, une réflexion de vie intéressante à travers cette famille atypique qui doit encore et toujours retrouver ses marques dans un monde qui ne veut pas d’eux, même si la société accepte mieux, aujourd’hui, ce genre de configurations familiales…

Enfin, pour terminer, comment ne pas aborder, bien sûr, la magie de cet univers gourmand qui met l’eau à la bouche du début à la fin ! Pâtisseries et boissons chaudes aux noms délicieux, plats sikhs et ateliers de gâteaux pour Noël, de quoi vous donner faim tout du long ! Un livre pour les gourmands qui veulent rêver à de bons plats sans prendre un seul gramme 😉 Bon, ça a des côtés frustrants, mais j’adore cet aspect de cette série colorée et sucrée à souhait !

Un troisième opus à la hauteur, et peut-être mon préféré des trois, même si je garde un faible pour le tome 2, ne serait-ce que pour les thèmes abordés. Une série qui traite de sujets importants, de manière douce, plutôt feel-good malgré certaines situations difficiles, avec beaucoup de justesse et de bienveillance. Merci encore une fois Aurore pour ce merveilleux moment de lecture ! <3

Points positifs : une plume énergique et agréable ; des personnages principaux attachants et adorables ; des personnages secondaires que l’on prend plaisir à retrouver (héros des tomes précédents) et à voir évoluer ; des thématiques et problématiques très importantes, notamment le thème du handicap très bien abordé ; une immense diversité ; un cadre toujours aussi gourmand, qui met l’eau à la bouche et titille les papilles ; une immense bienveillance dans les sujets traités et beaucoup d’informations qui passent comme une lettre à la poste.

Points négatifs : un peu perdue parfois pour savoir qui parle ou qu’il fait l’action avec les « il » qui ne se rapportent pas toujours au sujet précédent ; un univers de pompiers un peu trop sombre à mon goût (mais je comprends aussi le choix de l’autrice).






samedi 2 mai 2020

[Chronique] Jonah's words - Marie HJ

Jonah's words - Marie HJ











Titre: Jonah's words
Autrice: Marie HJ
Auto-Édition
Genre: romance MM, contemporain, tranche de vie, maladie, handicap





SERVICE PRESSE





Résumé:


« Jonah n’a jamais su simplement me dire oui. Toujours dans la retenue. Tellement sûr de lui en apparence et tellement apeuré sous l’armure. J’ai découvert tant de choses entre ses pages. Tout ce que je brûlais d’entendre, je l’ai finalement lu.

Trop tard.

Il m’a affirmé que tout n’était que mensonge. Je sais que c’est faux. Peut-être qu’aujourd’hui il ne pense plus un traître mot de tout ça. Possible qu’il soit passé à autre chose.

Jonah que je croyais si fort… tellement fragile en réalité.

Le retrouver malgré lui. Affronter la passion. Essuyer son mépris. Perdre la raison. Voilà ce qui m’attend. »



Chronique d'Aurélie


Tout d’abord, un grand merci à Marie pour ce service-presse et sa gentillesse, elle est adorable ! <3 C’est toujours un plaisir d’échanger avec elle et de découvrir ses bébés et univers si variés <3

J’avais hâte de lire ce roman, qui m’intriguait. Ayant adoré (plus qu’adoré, même !) Pray for me, j’avais très envie de découvrir un autre axe du travail de Marie, avec cette histoire qui n’avait pas l’air tellement feel-good non plus (et vous savez que je préfère les histoires pas feel-good, souvent ;) ).

J’ai donc plongé dans l’univers de Jonah et Scott avec plaisir.

J’ai eu un peu de mal à accrocher au début. Ce n’est pas du tout dû au style ou aux décisions scénaristiques de Marie, qui sont très pertinents. En plus, j’aime beaucoup sa plume, dynamique et fluide, aiguisée et direct, à ce niveau-là je savais déjà que cela me plairait énormément.

Ce qui m’a donné un peu de peine à entrer dans l’histoire, c’est qu’au tout départ, je n’ai pas accroché avec la rencontre de Jonah et Scott. Celle du présent (je vous explique le découpage après), qui est très directe. On est tout de suite dans l’émotion, et Marie envoie tout de suite du lourd avec ces retrouvailles, inattendues pour Jonah, espérées et craintes pour Scott. N’ayant pas encore eu le temps de faire la connaissance de nos deux héros, je n’ai pas été entraînée par leurs émotions du moment, mais cela va vite changer, avec un premier retour en arrière douze ans plus tôt.

Le récit, justement, alterne entre le présent, et ce passé vieux de douze ans. Deux périodes de la vie de Jonah et Scott, deux rencontres, et beaucoup d’émotions. J’ai adoré le découpage : d’une part ce contraste entre le présent et le passé, qui fait qu’on découvre peu à peu toute la vérité sur ce qui s’est passé entre Jonah et Scott, pourquoi Jonah hait Scott à ce point, pourquoi ils sont tous les deux bouleversés de se retrouver, etc. Mais au-delà de cette alternance, une chose que j’ai adorée, c’est la présence des écrits de Jonah. Pendant longtemps, Jonah écrivait sur un journal intime, ses réflexions, ses émotions, racontant sa vie, les évènements joyeux, tragiques, difficiles qu’il traversait, la maladie de sa mère, son découragement, sa colère, sa fatigue, etc. Tous ces sentiments qu’il retranscrit pas à pas, avec humour, philosophie, poésie et paillettes, et qui peuplent le récit de son point de vue à la fois lucide et un peu rêveur, drôle et touchant.

Ces passages, pour moi, sont vraiment un énorme plus à l’histoire.

J’ai adoré le récit du passé de Jonah et Scott. La légèreté qui en découle, le premier amour, leurs pas balbutiants, leurs chamailleries, l’humour et l’obstination de Scott, la mauvaise humeur chronique de Jonah. Les suivre, chapitre après chapitre, dans leur rapprochement, leurs cœurs qui s’ouvrent, les découvertes de leur relation, etc., m’a énormément plu. Ce sont mes passages préférés du récit, d’ailleurs. J’aime la fraicheur de cette partie de l’histoire, mais aussi l’anxiété qui règne, la manière dont Jonah tente de jongler entre sa mère, dont la maladie ne lui permet pas de changer leur quotidien, et son désir, son besoin, même, d’être avec Scott, de se rapprocher de lui, de le revendiquer, en fait, simplement. C’est doux, lumineux et tragique à la fois.

Au départ, donc, et ce durant quelques chapitres, je n’avais pas envie de retourner dans le présent, tellement j’étais bien avec les jeunes Jonah et Scott. J’ai moins accroché avec leurs retrouvailles et ce qui se produit entre eux, mais peu à peu, au fur et à mesure que j’entrais dans leur tête et que je découvrais ce qui s’était passé entre eux, j’apprivoisais aussi les Jonah et Scott adultes, et je me suis mis à râler à chaque fois qu’on revenait au présent… et à chaque fois qu’on retournait dans le passé. Positivement, j’entends, j’étais prise dans ces deux récits, et il m’était devenu difficile de les quitter l’un comme l’autre, même si d’un autre côté, je voulais avancer, en savoir davantage, les voir évoluer.

Donc cette alternance met les nerfs à rude épreuve, par moment, mais c’est vraiment un énorme plus de ce roman, que j’ai énormément apprécié.

Revenons un peu sur Jonah et Scott. D’abord, je dois dire que le prénom de Scott n’a pas joué en sa faveur au départ. C’est pourtant lui, des deux, qui est devenu mon personnage préféré, mais j’ai eu un truc avec son prénom, au début. C’est très bête, et je me marre toute seule de ma propre idiotie, pour dire vrai. Je n’ai absolument rien contre ce prénom, c’est juste qu’à chaque fois que je le lisais je pensais à « Scotland » (l’Écosse) et du coup je l’imaginais avec un kilt et une masse d’arme à la main, ce qui ne correspond absolument pas au personnage ;) Au contraire, j’ai même vite réalisé que le barbare agressif, des deux, était clairement Jonah.

Quelle tête de bûche, celui-là, alors, je vous jure. Il y a eu des moments où j’ai eu envie de le frapper avec une pioche. Pourtant, quand on lit son histoire, et qu’on suit sa vie, l’évolution de la maladie de sa mère, les drames qu’il a traversés, évidemment, on le comprend. Mais quand même, plus borné, tu meurs. Sa manière d’être est logique, mais merde, Jonah, tu as le droit d’être heureux ! Arrête de faire toujours passer les autres devant toi, et d’imaginer un futur lointain, la vie c’est maintenant ! Pardon, je m’emporte toute seule, je vous jure que parfois j’aurais voulu le secouer et l’obliger à coller sa langue dans la glotte de Scott (avec option « ne pas s’enfuir après »).

Malgré son acharnement à rester malheureux, seul et en difficulté, Jonah reste une personne remplie de bons sentiments, qui se préoccupe avant tout de sa mère, dont il gère la maladie et le quotidien seul depuis ses treize ans. Ses poids sont énormes, on ne lui en veut pas de faire des choix parfois douteux, même si on aimerait qu’il en fasse d’autres. Il réagit trop fort à tout, mais comment agirions-nous à sa place, dans sa situation ? Il s’est senti abandonné à plusieurs reprises, il n’a plus confiance en l’humain. Il est seul, et épuisé. Et on le comprend.

Scott, a contrario, est aussi solaire que Jonah est sombre. J’adore Scott. Il a beaucoup d’humour, et il est complètement désintéressé. Il ne fait pas non plus toujours les bons choix, mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est persévérant, et qu’il a tout donné pour réparer ses erreurs passées (erreurs d’adolescence qui n’auraient pas dû avoir de telles conséquences si Jonah n’avait pas été dans la situation dans laquelle il était… chose que Scott ignorait) et pour soutenir cet homme qu’il aime comme un fou. Il s’est cru « guéri » de cet amour, mais chacun de ses choix l’a amené à l’épauler de loin, à lui consacrer sa vie. À lui et, bien sûr, à la maladie de Marissa, la mère de Jonah. C’est un homme profondément bon, même s’il va être amené à faire des erreurs de parcours… mais c’est humain, ça, non ?

La maladie de Marissa, venons-y. J’ai beaucoup aimé cet aspect de l’histoire. C’est lourd, c’est difficile, et c’est intéressant. Marissa est un personnage forcément délicat à cerner, avec cette maladie de personnalités multiples. Elle change d’humeur et de discours d’une seconde à l’autre, c’est parfois très désarmant, et on comprend le poids que porte Jonah au quotidien, son inquiétude, le fait qu’il est obligé de lui consacrer toute son attention, toute sa vie. Jonah adore sa mère, mais il est seul face à cette maladie, et la peur que ce soit héréditaire, en plus… Et nous, on aime Marissa, mais parfois, on la maudit aussi, parce que malgré elle, elle fait vivre l’enfer à son fils, même si personne n’a le choix et que, dans ses moments de lucidité, elle s’en veut de sa maladie, d’être cette mère qui n’a pas su vraiment être une mère pour son propre enfant, à cause de ce handicap…

Autre « détail » important de l’histoire, mais aussi, je crois, globalement, des univers de Marie : la musique. Elle peuple le récit, le rythme, nous fait passer des messages. Et U2, quoi <3 J’adore les goûts musicaux de Jonah, clairement ! Les lecteurices non bilingues apprécieront les traductions des extraits de chansons choisis. Pour ma part la traduction me gêne un peu, mais je me suis contentée de faire en sorte de l’ignorer. Ce n’est pas une critique, parce que clairement, tout le monde n’est pas bilingue, donc la traduction sera généralement bienvenue ^^

Jonah et Scott ont su m’emporter avec eux dans leur bulle de violence, de passion, de tendresse, de désir, de haine et d’amour, au fil des pages. Autour d’eux, gravitent des personnages secondaires attachants et adorables (big up à Romuald). Ilona, par contre, m’a beaucoup déçue et choquée (même si vous verrez, on peut comprendre sa colère, j’ai trouvé ses mots horriblement homophobes et durs et du coup, moi qui l’avais appréciée tout du long, je me suis mise à la détester). En tous les cas, j’ai passé un très bon moment à travers les mots de Jonah ou, parfois, son absence de mots. La conclusion, drôle et touchante, m’a beaucoup fait sourire. Scott, je t’aime !


Points positifs : une plume aiguisée et directe, qui nous force à faire défiler les pages sans s’arrêter ; des personnages aux caractères creusés, à l’opposé l’un de l’autre, qui pourtant semblent faits l’un pour l’autre ; un récit qui alterne présent, passé et journaux intimes, addictif et très bien découpé ; le thème de la maladie est intéressant et touchant.

Points négatifs : Jonah est une tête de bûche finie !!!!! ;)



Note : 4,4/5



mercredi 12 février 2020

[Chronique] LÉlégie des Immortels - Flo Renard

 L'Élégie des Immortels - Flo Renard









Titre: L'Élégie des Immortels
Autrice: Flo Renard
Auto-Édition
Genre: historique, romance, fantastique



Résumé:


Une jeune fille de bonne famille qui rêve d’émancipation. Un ancien poilu meurtri par la guerre. Un vieux livre que recherche un étrange lecteur. Un médaillon immémorial. Le journal d’un officier prussien. D’énigmatiques partitions. Un appel au secours. D’inconcevables révélations…

Le secret de la vie éternelle.                                 

Nous sommes en décembre 1921 et Armande, rêvassant près de la fenêtre à la veille des vacances, ne se doute pas du bouleversement que va subir sous peu son existence… ainsi que celle de son ami Marceau.


Entre enquête, romance et mystère, L’Élégie des immortels est un roman de fantastique à l’ancienne, au style délibérément rétro. 

Biographie de l'autrice:


Habite à Marseille et travaille dans une bibliothèque universitaire. Aime la lecture, classique et contemporaine, et s'évade aussi bien au fil des pages cornées d'un vieux bouquin que l'écran d'une liseuse. Aime le vent et déteste la pluie. S'est mis à la course à pied depuis peu et ambitionne de courir un jour le Marseille-Cassis. Adore le chocolat, le vrai, le bon, le raffiné, et voit la Belgique comme une terre de fantasmes. 
Twitter de l'auteure: https://twitter.com/florenard13 



Chronique d'Aurélie

​​Tout d’abord, un immense merci à Flo. J’ai eu la chance de découvrir ce roman en avant-première, en tant que bêta-lectrice. Et même plus, puisque j’avais eu le plaisir de découvrir le prologue il y a presque deux ans, de passage chez Flo qui me l’avait fait lire. Je vous laisse deviner à quel point j’avais hâte d’avoir la totalité du roman entre les mains, après avoir lu ces premières pages !

Comment parler de Flo sans parler de sa plume ? Ceux et celles qui me suivent depuis longtemps savent à quel point j’avais adoré Aux Petites Heures de la Nuit et Marathon Men, de la même autrice, entre autres pour la qualité de l’écriture de Flo (pas que, évidemment, ces histoires sont géniales et je vous invite à les lire. Si vous n’êtes pas convaincus, déjà filez lire mes chroniques pour ces deux romans :

Trève de digression. J’ai donc un grand faible pour la plume de Flo, qui, déjà, est si fluide, belle, envolée et riche, mais en plus se plie parfaitement à l’ambiance de ce livre. En effet, l’époque retracée ici est celle de l’après-guerre, années 20, et le style de l’autrice se marie à merveille avec l’atmosphère d’une telle période, entre élégance, lyrisme, retenue et réalisme parfois poétique.

 Vous le savez, j’adore les romans historiques. Alors forcément, savoir que j’allais plonger ici dans une autre époque, à la fois proche et lointaine de nous de bien des manières, me plaisait d’avance. Et c’est une immense réussite, je me suis complètement engloutie dans l’atmosphère des années 20 à travers ce récit, j’y étais, complètement. Comme je l'ai dit à l’autrice, je suis en plein dans la série Downton Abbey en ce moment, qui se déroule dans la même période, et ça collait parfaitement. C'était même un plaisir de suivre les deux en parallèle, d'approfondir l'époque en passant d'un média à l'autre. De pouvoir faire tous ces ponts, tous ces parallèles entre L’Élégie et Downton.

Les quelques scènes de guerre que l’on suit dans le roman, qui se déroule après la guerre mais comporte certains flash-backs ou retours en arrière, sont violentes et crues, elles vous projettent complètement dans l'horreur et la terreur du moment, aux côtés des pauvres soldats vivant cet enfer.

D'un autre côté, la pudeur de ces mêmes survivants au quotidien, alors que plus personne ne veut entendre parler de la guerre, alors que personne ne les croit sur ce qu'ils ont vu et vécu était complètement à l'opposé de la brutalité des combats et bombardements, et très bien menée. C'est assez terrible la manière dont l’autrice amène les injustices faites à ces héros de guerre devenus de pauvres hères souvent sans le sou, que tout le monde trouve ennuyeux, et qui en sont réduits au rang de poids pour la société, alors qu'ils ont tout donné. J'ai adoré ces contrastes, ce réalisme empreint de poésie dans tout ce que l’autrice décrit. Que ce soit cela ou les batailles, les dessins de Marceau, notamment celui qui est décrit en détail d’un cheval mort sur un champ de bataille, mais pas que, Flo met une note de beau dans l'horreur et le laid, une note d'humour dans ces moments de pure terreur qu'ont vécus nos chers poilus, c'est un vrai plaisir à lire, même si évidemment, ça a un côté dur, cru, bouleversant.

J'ai beaucoup aimé aussi les doux contrastes des deux mondes presque opposés que sont celui de Marceau (classe plutôt pauvre) et celui d'Armande (famille de riches bourgeois ayant profité de la guerre pour faire davantage fortune), la manière dont Flo évoque l'après-guerre et le mélange subtil des classes sociales alors que la société évolue. Là encore, tant de différences, tant d’impossibles, et pourtant la guerre aura permis de changer la donne, de permettre de créer des passerelles entre ces univers.

Le personnage d'Armande est extraordinaire. J'ai aimé la manière dont l’autrice la rend féministe, décidée et avant-gardiste, et pourtant pleinement de son époque. Elle a beau lutter pour sa liberté et son indépendance, elle reste cette femme frêle et délicate, élégante et racée qui provient d'un ancien monde, dont elle possède les codes. Elle s'en émancipe tout en conservant les stigmates de son éducation. Retenue, innocence, un fond de naïveté, qui la rendent tellement attachante, même si parfois ce sont des poids du passé dont elle aimerait s’affranchir. Elle évolue, devient plus libérée, plus volontaire, plus dégourdie, mais elle garde cette douce pudeur et cette marque de son monde, de la société dans laquelle elle a évolué. C'est beau et touchant.

La romance entre Marceau et Armande est pour le coup complètement ancrée dans ce monde. Timide, douce, discrète, ils s'aiment comme des fous et pourtant ils respectent ces codes d'un autre temps, qui ne peuvent que toucher, émouvoir et faire sourire. Ils sont tout bonnement adorables dans leurs balbutiements, dans leur retenue, dans ces gestes et mots doux qu'ils échangent. Beaucoup de passion dans les appellations qu’ils se donnent, dans certains baisers, et pourtant toujours cette pudeur, cette timide chasteté qui appartient à leur monde. Le vouvoiement était parfait pour l'époque, il nous plonge encore davantage dans cette ambiance 20ties, dans ces règles de ce monde à la fois si proche de nous, et pourtant foncièrement différent. C'est doux, c'est beau, c'est léger, touchant et drôle.

Je les ai tous les deux adorés, ils sont à la fois si semblables et si différents, deux doux rêveurs qui osent croire à un autre monde et sont prêts à le cueillir sans souci des conséquences, ou presque. La poigne d'Armande est adoucie par la tendresse et la timidité de Marceau, son cartésianisme par la poésie et la sensibilité de cet homme à la fois charmant et tout doux. En fait, globalement, j'ai aimé les contrastes des différents poilus qu’on croise à travers le roman, ils ont fait la guerre, ils ont tué des hommes, mais ils sont tellement doux et gentils! C'est une excellente idée d'avoir brisé l'image du soldat dur, coriace et cruel, qui n'est en rien la réalité, bien sûr.

Le personnage de Marceau, donc, m'a beaucoup touchée également. J'aime son côté artiste, j'aime son monde intérieur torturé, qui peu à peu se colore alors qu'il découvre l'amour auprès d'Armande. J'aime ses rêves fous, ses espoirs sans limites, la manière dont il se lance à corps perdu dans cet amour qui devrait être interdit, pensant plus à l'idée qu'Armande puisse un jour le détester à cause de son bras en moins qu'à la possibilité que les Meaudre (la famille d’Armande) les séparent tous les deux... Ils sont tous les deux résolument tournés vers l'avenir, et ça a un côté beau et magique.

J'aime aussi la manière dont, encore une fois, Flo traite du handicap. Avec ce tact qui est sien, entre gravité et légèreté, souffrance et humour. Suivre les pensées et douleurs, psychiques et physiques, de Marceau, mais aussi la manière dont il veut avancer dans la vie, dont il traite parfois son handicap avec tellement d'humour, je trouve ça juste, et beau. Cela nous permet d'appréhender le handicap, quel qu'il soit (puisque là encore, le handicap est évoqué de multiples manière, à travers les personnages magnifiques que sont Jean et sa jambe raide, et Paul, bien sûr, et sa terrible histoire...), de le vivre, de l'accepter sans en faire des caisses ni tomber dans la pitié. C'est une belle leçon de vie que cet axe que l’autrice aime utiliser dans ses romans, et qui ici fait évidemment sens, puisqu’on y parle de l'après-guerre et des ravages de cette dernière...

J'ai énormément apprécié le personnage de Paul, et son histoire. Globalement, les personnages m'ont tous semblé ou bien attachants, ou bien vraiment désagréables, mais Paul m'a particulièrement émue, sans doute parce que l’autrice nous fait vraiment entrer dans son vécu vis-à-vis de la guerre... et pire encore, de ce qu'il a subi après, à cause du corps médical.

Cette époque est absolument horrible pour les personnes qui ont des troubles psychiques (heureusement que Paul n'a pas annoncé aux médecins son secret qui n’en est plus un pour ses proches :’( ), et Flo retrace très bien cette manière dont il est baladé partout, sans pouvoir dire stop ou faire cesser ce qui tient plus d'expérimentations douteuses que de réelles avancées de la médecine, les tortures subies, qui le font au final plus encore plonger dans sa souffrance et sa "maladie"... C'est terrible.

Et la manière dont il reprend vie peu à peu, avec Edmond, puis avec Armande, est très touchante. Montrer qu'il y a de l'espoir, qu'il faut juste trouver les personnes capables de nous écouter, de nous comprendre, et de nous accepter. Le duo Edmond-Paul, au passage, est aussi discret que touchant, surtout qu'au final, ils auront eu besoin l'un de l'autre, et seront capables pour l'un de donner après avoir reçu, pour l'autre d'accepter de recevoir en retour...

Une belle place est donnée aux arts, appréciable car elle met tout en perspective. Tantôt synonyme de souvenirs, soutien pour une guérison inespérée, lueur d'espoir, support à l'intrigue, entre magie, horreur et suspens, le dessin, la musique, l'écriture sont des piliers importants de l'histoire, que j'ai énormément appréciés.

L'intrigue en elle-même est palpitante et bien menée. On y sent l'influence de Cthulhu (c’est annoncé dans l’avant-propos, c’est inspiré de l’ambiance de Cthulhu sans chercher en rien à copier l’idée du mythe, juste en intégrant de petites touches des éléments de cet univers, de sa cosmogonie, simplement), mais discrète, par touches de douceur, un petit fond d'horreur qui ne tombe pas dans le mélo ou dans l'insoutenable, juste ce qu'il faut pour captiver l'attention et rendre impossible l'idée même de lâcher le bouquin! C'est haletant et palpitant, cela donne une soudaine dynamique à la douceur de l'histoire.

Pour ma part, j'ai adoré toute la première partie dans laquelle "il ne se passe rien", j'y mets des guillemets parce que suivre le quotidien de nos héros, voir leur romance naitre, assister à toute cette effervescence dans ce monde d'après-guerre en soi ce n'est pas "rien se passer", évidemment. On vit avec les personnages, on plonge dans leur univers, on s'émeut, on s'agace et on s'émerveille avec eux...

Et puis peu à peu le rythme se fait plus rapide, plus endiablé, alors qu'Armande et Marceau montent à Paris et enquêtent sur les misères d'Edmond... On saute d'un coup dans l'effervescence de Paris, avec cette enquête qui devient plus emmêlée, plus inquiétante, plus intrigante au fil des pages. Ce changement de cadence arrive au bon moment, et m'a semblé juste parfait. Les révélations s'accumulent, se précisent, l'action devient omniprésente, l'étau se resserre... Et on se met à vibrer différemment avec les personnages, qui s'aiment davantage à chaque page, peut-être un peu poussés par la peur qui leur serre le ventre, même si leur amour tombe sous le sens...

Le fond de fantastique se précise également, et il est le bienvenu. Si au début ce ne sont que des ébauches qui nous permettent d'entrer pleinement dans le réalisme d'une époque à la fois proche et lointaine, une fois que nous nous y sommes engloutis, cette intrigue fantastique nous pousse à découvrir d'autres pans de cette époque, l'occultisme, tout ce monde caché qui a toujours existé et qui construit merveilleusement un pont entre deux mondes. Celui de l'avant-guerre, et celui de l'après. La libération des mœurs, des croyances, qui va nous pousser, avec Armande, à revendiquer une autre place pour la femme, plus d'égalité dans un monde où la hiérarchie sociale est en train de s'écrouler peu à peu.

Un roman magnifique, que j’ai pris un plaisir infini à lire. Un très beau coup de cœur que je vous recommande plus que chaudement <3



Points positifs : écriture fluide, qui oscille entre lyrisme et réalisme. Des personnages vraiment très travaillés, attachants, à la fois drôles et touchants. Un scénario captivant, une intrigue qui tient en haleine. Une époque historique très bien retracée, qui nous permet de nous plonger complètement dans un autre temps.

Points négatifs : pas trouvés, à part que l’autrice écrit beaucoup trop bien et que ça a été difficile de lâcher le roman une fois fini ! <3 


Note : 5/5


jeudi 17 octobre 2019

[Chronique] Nous dansions sur l'air du numérique - Emrys

Nous dansions sur l'air du numérique - Emrys








Titre: Nous dansions sur l'air du numérique
Auteur: Emrys
YBY Éditions 
Genre: romance LGBT+, novella, danse, virtuel, handicap, tranche de vie, SF



SERVICE PRESSE





Résumé:


2039. Nao, étudiant parisien, découvre les joies et les déboires de la danse virtuelle lorsqu’il se connecte pour la première fois au serveur de sa chorégraphe. Il y rencontre Saoirse, avatar aux mouvements mystérieusement parfaits qui l’entraîne dans un pas de deux numérique toujours plus envoûtant.




Chronique d'Aurélie


Tout d’abord un immense merci à YBY Éditions pour cette nouvelle belle découverte ! Je ne m’attendais pas du tout à cette lecture, et je me suis régalée.

Il s’agit ici de science-fiction, et d’un récit découpé de manière particulière, en fait, un récit dans un récit. Nous y suivons deux récits, donc, tous les deux à la première personne. Dans le premier, qui démarre par une introduction, puis un texte en italique qui va ponctuer notre lecture du second récit de commentaires et de renseignements divers et variés, nous ignorons au départ l’identité du personnage dont c’est le point de vue.

Je ne vous dirai pas qui parle pour vous laisser le découvrir. Cela m’a, au fil de la lecture, beaucoup touchée. Il s’agit d’un récit qui se déroule dans le futur de l’histoire principale, qui va nous expliquer les bases de l’évolution technologique, à la fois en 2039 et une trentaine d’années plus tard (si je ne me trompe pas).

La technologie a changé entre ces deux périodes, et, au départ, le personnage principal va nous parler un peu plus de ces changements, s’adressant à un public dont nous ignorons tout à l’origine. S’agit-il d’étudiants ? De personnes proches ? Toujours est-il que le narrateur se met à leur portée pour leur raconter ces évolutions et nous aider, nous lecteurices, à comprendre de quoi on parle au cours de l’histoire.

Il nous rapporte aussi des réflexions sur Nao, personnage central du second récit, pour qui il semble éprouver plus qu’une vive affection. Il est clair qu’il l’a plus que bien connu, et aimé. Il nous explique comment il a remis la main sur un manuscrit dans lequel Nao a consigné son passé, après un grand bug technologique qui a fait perdre à l’humanité toutes ses données numériques. Celui-ci voulait en conserver une trace sûre, et a tout retranscrit manuellement des évènements qui se sont déroulés pour lui dans son propre passé, et qui lui tenaient tant à cœur.

Le second récit, donc, est écrit du point de vue de Nao. Jeune étudiant à la vie mal réglée, épileptique, vivant seul dans un appartement miteux avec sa sœur Sora, ou plutôt vivotant entre ses études, la danse, son peu de moyens et le monde virtuel dans lequel tout le monde, à son époque, vit en grande partie. Grâce aux casques IONIC, les gens peuvent désormais s’immerger dans le monde virtuel et y vivre de nombreuses expériences de « vie » plus ou moins réelles. Les sensations sont présentes, on peut y pratiquer toutes sortes d’activités en ayant la sensation de les vivre pour de vrai… ou presque. Subsistent de nombreux bug qui rendent l’expérience parfois troublante, ou agaçante.

Quant à Nao, il est également limité par le fantôme de ses crises, qui menacent à tout moment pour peu qu’il reste trop longtemps connecté et immergé dans le virtuel…

C’est lors d’une session de danse virtuelle avec sa prof et amie Lauren que Nao va rencontrer Saoirse (se prononce Sircha), un homme capable d’apprivoiser ces bugs, de se les approprier, rendant ainsi sa danse parfaite. Nao est aussitôt fasciné par ses capacités et sa fluidité, sa virtuosité, même. Quelle ne va pas être sa joie quand celui-ci va lui proposer une session à deux, pour l’aider à apprivoiser ces sessions virtuelles.

Les deux hommes vont alors développer une forte complicité, une vraie connexion, au fil des sessions qu’ils vont partager. Et nous, au fil du récit, on va voir Saoirse tantôt homme, tantôt femme, et découvrir une personne pleine de mystère, dont on ne sait rien du réel, mais qui est traversée par des émotions allant de la joie de danser avec Nao, à, parfois, une immense tristesse. Saoirse cache de grands secrets que, comme Nao, nous brûlons de découvrir.

Cette histoire est assez magique, car elle s’émancipe du réel pour créer une bulle autour des deux personnages, pour les rapprocher dans un univers virtuel, et les faire tomber pas à pas amoureux, sans pourtant tout connaitre l’un de l’autre. Ou du moins, autant Saoirse sait beaucoup de choses sur Nao, autant l’inverse n’est pas vrai : Nao n’ayant jamais vu Saoirse ne sait pas s’iel est homme ou femme, ce à quoi iel ressemble, ni pourquoi iel ne peut pas danser dans la réalité. Saoirse se refuse à le rencontrer irl, tout en disant en mourir d’envie : iel ne veut pas que Nao soit déçu par iel, qu’il le/la fuie, ou simplement le perdre.

Mais Nao, lui, va au-delà des apparences. Il s’éprend peu à peu d’une personne, pas d’un corps, mais d’une âme. Saoirse devient son/sa partenaire, mais aussi son/sa confident.e, l’appui sur lequel il veut pouvoir compter. Il brûle de le/la rencontrer, quel que soit son physique, quels que soient ses problèmes. C’est terriblement touchant, ce dépassement de la matière qui nous montre une autre façon d’aimer. Une façon tout simplement plus humaine, plus acceptante, également.

Vous remarquerez que j’ai utilisé l’écriture inclusive pour cette partie de ma chronique, concernant Saoirse, puisqu’on ignore s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, et qu’en fin de compte, passées les premières questions, on découvre que l’on s’en fiche. En fait, en écrivant cette chronique, je viens de réaliser qu’à la fin de l’histoire, je ne me souviens pas qu’il ait été dit si Saoirse est un homme ou une femme, et qu’en fait, ça n’a plus d’importance. L’important c’est cet amour immense qu’ils auront tous les deux partagé. Cette histoire touchante, un peu bouleversante, qui renverse nos certitudes et nous permet de découvrir non pas deux hommes, ou un homme et une femme, mais deux personnes, magnifiques dans leur acceptation mutuelle et leur immense complicité, leur connexion l’un à l’autre, également.

Enfin, la conclusion m’a émue aux larmes. C’était beau, juste, un peu tragique, et triste, mais aussi rempli d’espoir et d’amour, comme tout ce récit. Ça a été un très beau coup de cœur, de ceux qui débarquent tout doucement, finissent par vous embarquer complètement, et vous laisse, au final, rêveur, le sourire aux lèvres, les larmes aux yeux.


Points positifs : une très belle plume, poétique, tendre et douce ; deux récits imbriqués l’un dans l’autre, qui nous permettent de comprendre l’histoire tout en nous apportant des éléments importants, techniques ou touchants ; de très beaux personnages et une histoire d’amour universel, magnifique et émouvante.

Points négatifs : pas trouvés


Note : 4,8/5